Esthétiques queer et enjeux sociaux : décentrements
Colloque international
19-20 juin 2025
Clermont-Ferrand (France)
Projet porté par le CELIS (Université Clermont Auvergne) en partenariat avec l’Équipe de recherche en études queer au Québec (EREQQ, Université de Sherbrooke et Université de Montréal).
Comité d’organisation: Priscilla Wind (CELIS, Université Clermont Auvergne), Lucie Lavergne (CELIS, Université Clermont Auvergne), Marlène Barroso-Fontanel (CELIS, Université Clermont Auvergne), Flora Roussel (Université de Montréal), Domenico Beneventi (EREQQ, Université de Sherbrooke), Isabelle Boisclair (EREQQ, Université de Sherbrooke), Quentin Petit Dit Duhal (HAR, Université Paris Nanterre).
Si, dans les Amériques, les recherches s’intéressent déjà depuis une trentaine d’années aux études queer qui se déclinent dans les différents domaines des sciences humaines (sociologie, philosophie, arts, littératures, histoire, etc.), en France, ce champ de recherches n’a fait son apparition que récemment, popularisé principalement à travers la pensée théorique de Judith Butler (Trouble dans le genre n’est traduit qu’en 2005, Défaire le genre en 2016), mais aussi les écrits de Sam Bourcier (Queer zones, 2001-2011). Il s’étend depuis ces dernières décennies aux arts et aux littératures (Hélène Marquié, Muriel Plana).
« Queer » est un terme inclusif qui désigne des personnes qui ne s’inscrivent pas dans les normes identitaires sociales blanches, cisgenres, hétérosexuelles et/ou dyadiques, et qui recouvrent une multiplicité d’expressions de genre.
« Ici [aux É.-U.], la critique queer des effets normatifs et excluants de l’identité “gay et lesbienne” est née de la revendication de la prise en compte des différents “autres”, des placés en dehors, des “intersections” identitaires (les lesbiennes, les chicanas, les pédés cuir, etc.) » (Preciado, préface à Bourcier, Queerzones 2018, p. 13)
Signifiant étymologiquement, dès le début du XVIe siècle, « personne excentrique » en écossais et « de travers » en irlandais et en anglais (Sayers, 2005, p. 16), le mot, aujourd’hui symbole notamment sémiotique et épistémique d’auto-détermination, était à l’origine utilisé comme une insulte, que se réappropria d’abord Gloria Anzaldúa en 1981 en associant le queer avec un militantisme à la fois féministe et antiracial. Dès 1987, ce terme devient support de réflexion (Teresa de Lauretis, Technologies of gender)□. La dimension politique du queer, quant à elle, continue de se développer en parallèle dans des mouvements militants tels que Queer nation et Act up pour dénoncer des normes hégémoniques qui oppriment politiquement, socialement et économiquement les personnes qui n’appartiennent pas à la majorité blanche cisgenre et hétérosexuelle.
Au-delà des individus, le terme « queer » est donc compris comme « une posture dé-essentialisante qui offre la possibilité de se soustraire au jeu aliénant des identités », et comme une nouvelle « orientation » (Ahmed, 2006) pour la société, les relations, la politique, l’économie, l’écologie et bien entendu les arts et littératures.
Que signifie alors queeriser l’art et quelles sont les stratégies et procédés esthétiques mis en place par les artistes pour décentrer le regard dominant ? Isabelle Alfonsi envisage l’art queer comme une « esthétique de l’émancipation » (2019) en opposition à l’esthétique dominante et universalisante, et à même de proposer d’autres lignées pour les exclu·es de l’histoire de l’art officielle. Quels dialogues conceptuels s’instaurent entre les artistes queer, tant dans une perspective diachronique que synchronique ? Comment les décentrements du regard blanc nord-américain s’impriment-ils dans les glissements du terme entre les différentes langues, cultures, positions et vécus ?
D’une part, l’accent sur la performativité des corps a fait ressortir dès les années 1970 une esthétique camp dont les héritages se perçoivent aujourd’hui encore à travers les diverses esthétiques drag dont on pourra interroger les applications contemporaines, entre scène néo-libérale (Montréal, 2018) et « théorie freak » à même de créer de nouvelles plastiques sociales (Lorenz, 2018). D’autre part, on peut envisager l’articulation entre les arts queer et les arts féministes et examiner la manière dont se constituent des esthétiques queer féministes qui peuvent se décentrer du « male gaze» (Mulvey, 1975) et « cis gaze » (McKenzie Wark, 2021).
Si les esthétiques queer se matérialisent par « contagion » (Lorenz, 2018), en queerisant différentes figures, motifs et personnages, des ponts - éventuellement intersectionnels - sont érigés entre des points de vue variés (crip, gay/lesbien, trans*, antiraciste) qui entrent en dialogue par le biais des œuvres. Quelle est la particularité de ces différentes approches ? Quels échanges suggèrent-elles (par exemple, rhizomes, démembrement/remembrement, etc.) ?
Dans une perspective sociopoétique, ce colloque aura pour objectif de mettre en lumière la pluralité des stratégies esthétiques et discursives en arts et littératures queer, ainsi que de nouvelles modélisations sociales qui en émergent (dystopies, réécritures, science-fiction, plastiques sociales, silhouettes posthumanistes). Quels contacts entre disciplines, arts et genres (au sens littéraire du terme cette fois) ces différentes modélisations produisent-elles?
Pour ce colloque, qui se tiendra en présentiel, les contributions pourront porter sur tout type de corpus artistiques et/ou littéraires : arts de l’image (dessin, peinture, photographie, vidéo, etc.), littératures, arts de la scène et de la performance, etc. sous la forme d’études de cas, mais aussi de réflexions esthétiques formelles. Des performances et lectures-performances pourront également être considérées.
Les propositions de contribution (en français uniquement) ne devront pas dépasser 300 mots (soit 2000 caractères, espaces comprises) et devront être accompagnées d’une notice bio-bibliographique (5 lignes maximum). Les propositions devront être envoyées d’ici le 16 septembre 2024 à l’adresse suivante : conf2025esthetiquesqueer@gmail.com.
MANIFESTATIONS SCIENTIFIQUES RÉCENTES :
Dire, écrire, traduire les affects — enjeux queer et féministes, (CECILLE /Université de Lille, 26 janvier 2024)
Danse et queer : du cabaret à la discothèque. Rôles et influences des scènes non institutionnelles sur les esthétiques chorégraphiques queer contemporaines (Pantin), 2023
Draguer le musée et ses sources : la queerness face aux archives (Université d’été de la Bibliothèque Kandinsky, 2023)
Queeriser l’esthétique (Figures de l’art n°39, 2021)
Queer as art/Art as queer : Pratiques et méthodologies queer : bilan et perspectives
? (revue 20/21 siècles)
L’art queer de la performance / Queer Art Performance, Colloque international
(Université du Québec à Montréal, 2018)
BIBLIOGRAPHIE
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ALFONSI, Isabelle. 2019. Pour une esthétique de l’émancipation : Construire les lignées d’un art queer. Paris : éditions B42.
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